Stress au travail : les artisans proches du burn out ?
L’état de santé des artisans du bâtiment est préoccupant. Surcharge de travail, déséquilibre entre vie privée et vie professionnelle, insécurité… conduisent naturellement au stress et parfois au « craquage » complet. Plus d’un artisan sur deux connaît aujourd’hui cette situation, et il est temps de réagir s’inquiète la Capeb, qui lance le premier Baromètre Arti Santé BTP. Explications.
La santé au travail, c’est un sujet qui n’avait jamais été abordé jusqu’à présent dans le secteur de l’artisanat. C’est chose faite aujourd’hui, avec la publication du premier Baromètre Arti Santé BTP, réalisé par la Capeb, Iris-ST et le CNATP*.

Stress et « burn out » sont des mots encore tabous dans le vocabulaire des artisans. Et pourtant, ils ont osé en parler, dans cette enquête qui dévoile leurs véritables conditions de travail, tant sur l’aspect sécurité au travail que sur le phénomène du stress et de la santé.

Sur le plan de la sécurité au travail, on apprend ainsi que la notion est plutôt très bien intégrée par les chefs d’entreprises (98%), notamment lorsqu’il s’agit de protéger leurs salariés, mais qu’ils ne sont plus que 62% à se préoccuper de leur propre sécurité au quotidien. Attention, selon la taille de l’entreprise et l’âge de l’entrepreneur, des différences sont à noter. En effet, ceux qui travaillent seuls accordent une attention toute particulière à leur santé, du fait qu’ils soient seuls justement. Idem du côté des moins de 30 ans, sensibilisés dès leur formation initiale. Du côté des femmes artisans, elles ne sont que 48% à prendre en compte le problème. Autre fait marquant, ce sont les 73% d’artisans qui préfèrent se réserver les tâches les plus risquées pour préserver leurs salariés. « C’est une question de responsabilité, note Patrick Liébus, Président de la Capeb. J’en fais moi-même l’expérience au quotidien lorsqu’il s’agit de monter sur des nacelles de grande taille ».

Côté santé, 80% des artisans interrogés disent être en bonne santé. « On se pense systématiquement en bonne santé, car c’est important envers les clients et envers nos salariés. Montrer une faiblesse, on n’a pas trop le droit de le faire. Donc par habitude, on dit qu’on est en bonne santé », justifie Patrick Liébus, président de la Capeb. Une perception erronée ? En quelque sorte, si l’on considère que 57% des artisans disent se trouver en situation de stress. « C’est un mot tabou qui n’est pas dans notre vocabulaire. Mais en parler, c’est déjà un premier pas vers la thérapie », souligne le Président Liébus. Car un artisan sur quatre seulement est suivi par un médecin. « On y va au dernier moment, c’est vrai ! C’est une négligence qu’il faut corriger », reconnaît le responsable de la Capeb.

La crise catalyse le stress

Le stress est moins présent chez les artisans seuls (44%), alors qu’il gagne bon nombre de femmes artisans (71%). On notera que les femmes ont moins de difficulté à en parler et à dire qu’elles sont stressées que les hommes… Ce stress devenu chronique est lié à plusieurs facteurs : travail intense, pression des délais, exigence mentale de l’activité, interruption dans le travail, déséquilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, sentiment d’isolement et d’insécurité… Autant de raisons qui font monter la pression dans la tête des chefs d’entreprise !

Parallèlement, les artisans peuvent se targuer d’avoir la passion de leur métier, de pouvoir travailler en toute autonomie et liberté ou encore de pouvoir compter sur le soutien de leurs proches et d’avoir la reconnaissance de leurs clients. « Les relations sociales, c’est dans nos gènes », s’amuse Patrick Liébus.

La crise, élément déclencheur

Mais qu’est-ce qui fait qu’on parle davantage de stress aujourd’hui ? La crise économique, répondentles initiateurs de l’étude. « Elle est un révélateur du phénomène », soutient le président de la Capeb. Rien d’étonnant quand on voit le rythme de travail des artisans, dont un sur cinq travaille plus de 60 heures par semaine. Sans compter les congés qui se réduisent à peau de chagrin ou encore les week-end systématiquement tronqués… Un chiffre édifiant : 80% des artisans disent travailler dans l’urgence, notamment à cause des contraintes de délai, d’une mauvaise préparation de leur chantier ou d’une mauvaise coordination des corps de métier, ou des intempéries.

Cette surcharge d’activité a donc forcément un impact sur la santé des artisans, mais aussi sur leur relation familiale. Chez un artisan sur deux, le conjoint(e) est impliqué dans la vie de l’entreprise. « Cet entremêlement est source de stress et de déséquilibre, le travail s’invitant dans l’univers personnel », note Julie Boisserie, chef de projet chez IRIS-ST. Encore une fois, les jeunes sont moins concernés par ce problème, leur conjoint s’épanouissant généralement dans un autre métier.

Mieux vaut prévenir que guérir

Reste que 89% des artisans trouvent que le travail empiète sur leur vie privée. « Le lien entre les deux est permanent. Il faut vraiment être discipliné pour faire la séparation. C’est un choix de vie, mais il est parfois pesant », confirme Patrick Liébus. Car bien souvent aussi, l’artisan est proche de son lieu de travail, voire les deux se confondent ! Si 82% des chefs d’entreprise habitent à moins de 5 km de leur entreprise, 62% habitent sur le lieu même de leur travail. « Ça brouille les frontières et le sas de décompression nécessaire à faire la coupure n’existe plus », renchérit-il.

Pathologie non identifiée

Stress, fatigue, dépression sont autant de facteurs qui constituent un terreau propice au burn out. Si le mot n’est pas encore courant dans le milieu des artisans, cet état d’épuisement général que peut ressentir l’artisan est bel et bien réel. « C’est un syndrome qui n’est pas visible de l’extérieur, et qui surprend toujours l’entourage, note la chef de projet d’IRIS ST. C’est une pathologie qui n’est pas identifiée comme telle, et qui en outre n’est pas prise en charge par le RSI, donc il n’existe pas de statistique sur le burn out, mais c’est une réalité qui touche bien les artisans aujourd’hui ».

« Alerter », c’est donc ce qu’il reste à faire, estiment la Capeb, le CNTPA et IRIS ST. Alerter les artisans, mais aussi les pouvoirs publics. En travaillant étroitement avec le RSI, en mettant l’accent sur le rôle du conjoint(e) ou en éditant de nouveaux mémos spécifiques, les auteurs de l’étude comptent bien mobiliser et sensibiliser le plus grand nombre. « Il faut déculpabiliser les gens qui n’osent pas en parler et mettre des mots sur un état qu’on perçoit », conclut Catherine Foucher, présidente de la commission des femmes d’artisans.+

Source : Batiactu

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