Le charbon est plus nucléaire que le nucléaire !

L’énergie est vitale.
Tous débats sur les énergies, sur la transition énergétique, doivent avoir en ligne de mire ces quelques exigences fondamentales :
1] L’énergie est nécessaire.
2] L’énergie est nécessaire, vitale.
3] L’énergie est nécessaire, vitale. Même après les plus féroces économies d’énergie.
Toutes les autres considérations sont secondes.
Il y a beaucoup de disputes sur le vrai coût du nucléaire. Mais c’est un faux débat.
Le problème n’est pas le coût de l’énergie, mais sa disponibilité.
L’énergie peut être chère, dangereuse, ce sont de vrais problèmes – mais le manque d’énergie serait une catastrophe absolue.
L’énergie est vitale ; indispensable pour loger, vêtir, réchauffer, nourrir, sept milliards de terriens. Lorsqu’elle fait défaut nous sommes en état de manque, prêts à tout pour en retrouver, et même à entrer en guerre : nous sommes accros à l’énergie.
C’était déjà vrai au temps de « La Guerre du feu », grand film de Jean-Jacques Annaud.
C’était encore vrai en 1917, lorsque Georges Clemenceau déclarait que « Désormais, pour les nations et pour les peuples, une goutte de pétrole a la valeur d’une goutte de sang.». Il exprimait ainsi que celui qui n’avait pas assez de pétrole perdrait la guerre en cours. Ce fut le cas.
C’est encore plus vrai aujourd’hui, même en temps de paix, parce que nous sommes beaucoup plus nombreux ; l’énergie est maintenant le sang et la vie de nos sociétés populeuses ; du pétrole coule dans leurs veines, du 220 V court dans leurs nerfs.

Les dangers de l’énergie : mythes et réalité.

L’énergie est vitale. Nous savons bien que produire de l’énergie a un prix, non seulement en devises, mais aussi en maladies, en morts, en dommages pour l’environnement. Mais lorsque nous pensons « dangers de l’énergie », nous pensons surtout « dangers de l’énergie nucléaire ». Parce que les titres des journaux enflent sans mesure dès le moindre incident nucléaire, dès qu’un boulon se dévisse, dès qu’un rayon alpha ou oméga s’évade d’une centrale et part en cavale.
L’énergie nucléaire est-elle dangereuse ? Certainement… mais pas plus que toutes les énergies que nous utilisons ; en fait, elle est moins dangereuse que la fumée du feu de bois qui ronge les poumons, que les barrages qui se rompent, que le gaz qui explose, que le pétrole qui se répand en marées noires, que les mines de charbon qui s’éboulent… On objectera : « Mais qu’importent le gaz le pétrole, le charbon, ce à quoi il faut se comparer c’est aux nouvelles énergies renouvelables, éolien, photovoltaïque, etc. Ce sont les énergies de l’avenir, et elles sont presque sans dangers.
C’est vrai, ces nouvelles énergies présentent assez peu de dangers ; mais c’est faux, ce ne sont pas les énergies de l’avenir. Elles progressent moins vite que la consommation d’énergies fossiles ; elles ne sont que des énergies d’appoint, les « vraies » énergies étant celles qui ont la capacité de satisfaire les énormes besoins de la planète. Parmi les « vraies » énergies, la moins dangereuse est… l’énergie nucléaire ; quant au champion du danger et des nuisances, c’est le charbon. Pas de chance, l’énergie la plus dangereuse est aussi la plus utilisée dans la production d’électricité, et celle qui progresse le plus en valeur absolue !

Le charbon est champion en émission de CO2.

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Le charbon tue 10 à 15 000 personnes par an, directement dans des accidents de mine.
Mais ces accidents ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le charbon tue aussi – et bien davantage – indirectement. Les mineurs qui échappent aux éboulements et au grisou courent encore le risque de mourir de silicose ou pneumoconiose. Un ordre de grandeur de 500 000 morts différées par an à l’échelle mondiale paraît donc assez probable. On trouvera des précisions sur ces chiffres, et les références des études, nombreuses, qui permettent de les établir, dans les documents : Les dangers du charbon – Les dangers du charbon (autres que l’effet de serre) – Bernard Durand – 2012.

Mineur, chair à charbon…

Les mineurs ne sont pas les seules victimes du charbon. Nous aussi. Car le charbon empoisonne l’air – notre air. En brûlant il émet soufre, microparticules, cendres, métaux lourds tels que arsenic, mercure, sélénium, plomb, et… radioactivité : une centrale à charbon ou à fioul rejette dans l’environnement 10 à 100 fois plus de radioactivité dans l’environnement qu’une centrale nucléaire de puissance comparable ! (Revue trimestrielle de l’agence internationale de l’énergie atomique – Energy for Tomorrow – vol 42-2 – Juin 2000 – Page 45 ). Une centrale à charbon de 1000 mégawatts électriques émet 500 tonnes de métaux lourds toxiques dont 5 tonnes d’uranium et 13 tonnes de thorium par an (Le nucléaire : Un choix raisonnable ? Hervé Nifenecker – page 159)

L’exploitation du charbon aux États-Unis serait responsable de problèmes de santé et d’environnement pour un coût caché de 300 à 500 milliards de dollars par an (Full cost accounting for the life cycle of coal – annals of the New York academy of science – 2011).
Les centrales électriques au charbon seraient responsables de plus de 13 000 décès chaque année aux États-unis. (Clean Air Task Force, The Toll From Coal – que l’on peut traduire par « La taxe charbon »).
Le site Health & Environment Alliance évalue à 43 milliards € la facture sanitaire annuelle du charbon pour l’Europe (2009).

Respirer nuit à la santé !

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Greenpeace estime que les centrales au charbon seraient silencieusement responsables de la perte de 240 000 années de vie par an en Europe. Globalement, selon Greenpeace, les centrales au charbon tuent plus que les accidents de la route. (Silent Killers – (Les tueurs silencieux) – juin 2013)
On s’est beaucoup ému du nuage de Tchernobyl qui ne s’était pas arrêté à la frontière.
Mais personne ne proteste, personne ne s’inquiète du nuage de microparticules de l’Allemagne charbonneuse, qui traverse le Rhin et est responsable de 1000 morts par an en France.
La France, presque charbon-free, n’est pas à l’abri : le nuage de microparticules de l’Allemagne charbonneuse… ne s’arrête pas à la frontière, s’il en fut jamais. On estime que la pollution atmosphérique des centrales au charbon en Europe est responsable d’environ 30 000 morts par an, dont 10 000 en Allemagne, et environ 1 000 en France.
Le père Noël passe par la cheminée… mais pas seulement lui :
« « Avec les centrale à charbon, la mort passe par la cheminée », déclare Gerald Neubauer, expert des questions énergétiques pour Greenpeace Allemagne. »
« Nous sommes prêts à accepter un retour temporaire au charbon comme source d’énergie afin d’épargner à l’Allemagne les effets destructeurs de l’atome. Après tout, ce qui nous importe à tous c’est la protection de l’environnement » (Jürgen Trittin, chef du groupe des Verts au Bundestag).
Applaudissons les Grünen ; ils ont obtenu l’arrêt du nucléaire allemand, et donc les centrales allemandes au lignite tournent à plein régime, continuent à cracher CO2, particules fines et autres poisons – qui continuent à traverser les frontières pour visiter les poumons français. C’est ce qu’on appellera peut-être un jour le « lignitisme grünen passif ».
De très bons connaisseurs de ce problème, les Chinois qui (sur)vivent dans le brouillard brun du charbon, confirment : ce n’est pas une bonne idée de se promener autour d’une centrale au charbon. Même les Japonais protestent contre la pollution chinoise, qui ne s’arrête pas à la frontière et traverse la mer du Japon. (Les particules fines chinoises deviennent un sujet de tensions avec le Japon – Le Monde | 14.03.2014). Les Français sont plus laxistes envers les particules allemandes qui traversent le Rhin.

Comparaison n’est pas raison, mais…

L’ »Étude bibliographique sur la comparaison des impacts sanitaires et environnementaux de cinq filières électrogènes (nucléaire, charbon, gaz, hydraulique, éolien) », conclut au « net avantage du nucléaire par rapport au charbon ou au gaz », en raison « essentiellement des impacts liés à la pollution atmosphérique régionale ou globale ».
Sources :
Énergie et environnement – Bernard Durand – Grenoble sciences
Les coûts externes de l’électricité – A. Rabl, J. V. Spadaro

• Charbon et fioul « sales » correspondent à la plupart des centrales en activité, fortes émettrices de polluants, métaux lourds, particules fines.
• Charbon et fioul propres (ou moins sales…) correspondent à des centrales récentes utilisant des techniques performantes de réduction des émissions nocives. Ces techniques, coûteuses, ne sont pas une priorité dans les pays émergents.
• Les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl sont incluses dans les résultats du nucléaire.
• Les dangers des énergies photovoltaïques et éoliennes proviennent essentiellement des polluants émis au cours de leur fabrication.

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« La filière nucléaire s’avère avoir le plus faible impact sur la santé par kWh produit par rapport aux filières utilisant des combustibles fossiles, les biomasses ou l’incinération des déchets (en raison de la pollution atmosphérique qu’elles entraînent) ». (Académie nationale de médecine, 2003 – Choix énergétiques et santé – Recommandations)

Il vaut mieux travailler dans une centrale nucléaire que dans une centrale au charbon. Les études épidémiologiques sur les travailleurs du nucléaire exposés aux rayonnements ionisants montrent des taux de mortalité et de cancers toutes causes confondues significativement inférieurs à ceux de la population générale. Ce résultat traduit l’effet bien connu, dit du « travailleur en bonne santé » ; mais il indique aussi que cet effet n’est pas altéré par une quelconque dangerosité des centrales nucléaires.

La priorité n’est pas et ne devrait pas être de sortir du nucléaire, mais de sortir du charbon.

Tchernobyl

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Ces résultats sont très surprenants pour le « grand public », dont le ressenti est très éloigné de ce qui est vraiment mesuré sur le terrain : « et Tchernobyl alors ? » « et Fukushima alors ? »
Tchernobyl a été une effroyable catastrophe, qui a soulevé une émotion intense partout dans le monde. Le bilan humain de la catastrophe est toujours discuté, en raison de l’émotion qui parfois fausse la raison, mais aussi en raison des incertitudes sur l’effet des faibles et très faibles doses de radiations. Le puissant lobby antinucléaire a utilisé et utilise encore cette incertitude pour effrayer les populations avec des chiffres ubuesques, des centaines de milliers de décès et même plus. Pourtant, des milliers d’études ont été faites, des milliers de publications sont disponibles. Des centaines d’experts et de chercheurs indépendants ont analysé et synthétisés cette masse d’informations, dans le cadre du « Forum Tchernobyl », regroupant huit organisations de l’ONU – dont l’OMS, Organisation Mondiale de la Santé. Des centaines d’experts, de huit organisations différentes… peut-on croire qu’ils seraient tous membres d’un complot universel pour nous tromper en vue d’on ne sait quel intérêt ? Il est plus raisonnable de considérer que cette diversité est garante que les résultats communs ne reflètent pas une pensée partisane unique, une idéologie unique ; seulement les faits reconnus par tous. Le rapport « Tchernobyl : l’ampleur réelle de l’accident », septembre 2005, est la somme de ces expertises multiples. Les conclusions : « Jusqu’à 4 000 personnes au total pourraient à terme décéder des suites d’une radio-exposition ». Elles sont en totale contradiction avec les hécatombes effroyables annoncées par les militants unicolores – les seules que nous retenons parce que justement elles sont effroyables. Les militants sont parfois soutenus par quelques rares chercheurs isolés, parés de titres universitaires dont on sait qu’ils sont indélébiles. Face à ces contradictions, les citoyens s’interrogent : mais alors, si les scientifiques eux-mêmes ne sont pas d’accord entre eux, à qui se fier ? Le trouble est compréhensible. En réalité il n’y a aucune raison d’être troublé, il ne s’agit pas de résultats scientifiques contradictoires pouvant être mis sur le même plan. Ces résultats différents viennent de joueurs qui ne jouent pas dans la même cour.
D’un côté des chercheurs indépendants, des scientifiques, qui analysent et synthétisent les milliers d’études faites sur le sujet.
De l’autre des militants dépendants de leur idéologie.
4 000 victimes en l’espace d’une génération, c’est énorme. Les fumées charbonneuses sont responsables de 700 000 morts par an… mais personne ne s’intéresse aux victimes du charbon, ce n’est pas nucléaire, il n’y a pas d’activistes « sortir du charbon ». Les activistes anti-nucléaires sont eux très actifs.
Le procédé est un classique : lorsque les militants ne peuvent pas répondre sur le plan technique à une étude ou un rapport qui les contredits, ils font diversion en invoquant complot ou conflit d’intérêts.

En réalité, il suffit de lire l’accord entre l’OMS et l’AIEA, disponible sur Internet, pour constater qu’il suit le modèle des accords passés entre l’OMS et d’autres agences des Nations unies ou d’autres organisations internationales (OMS/ONUDI, OMS/FIDA, OMS/UNESCO, OMS/FAO, OMS/OIT). Ces accords n’impliquent aucune soumission de l’une des parties à l’autre ; ce sont des accords de bon fonctionnement entre partenaires égaux ; pour s’informer l’un l’autre de projets pouvant avoir des aspects communs pour les deux parties, et même pour « éviter la création et le fonctionnement d’installations et de services qui pourraient se concurrencer ou faire double emploi. »
Bref, de la bonne gestion, et il aurait été condamnable qu’il n’en fût pas ainsi.

Fukushima

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Le tsunami a été un désastre total pour une région entière. Tout le monde a vu sur les écrans cette épaisse vague noire qui emportait tout sur son passage, navires, maisons, voitures. Elle a détruit les ports, les villes, les infrastructures, ruiné l’économie, fait 20 000 victimes et des centaines de milliers de sans-abri… C’était dramatique.
Puis nous avons appris que la centrale nucléaire de Fukushima avait été ravagée par le tsunami, sans toutefois que l’on ait à déplorer des victimes attribuables au nucléaire … Il s’est passé alors une chose étrange… le tsunami a été instantanément effacé de nos mémoires. Que dites-vous ? Une région entière dévastée, 20 000 morts ? Non, on n’est pas au courant. Des centaines de milliers de réfugiés, chassés par un tsunami qui a balayé leurs maisons, leurs villes ? Non on n’est pas au courant.

Un réfugié de Fukushima, c’est forcément un réfugié nucléaire. Fukushima, c’est une catastrophe nucléaire, et rien d’autre. What else ? En frappant « Fukushima » dans le moteur de recherche Google, la première page de réponses pointe exclusivement sur des sites qui ne s’intéressent qu’à la catastrophe nucléaire. Rien concernant les 20 000 morts du tsunami, ni sur les centaines de milliers de réfugiés du tsunami.

 

Finir intoxiqué ou irradié ?

La réaction pourrait être de céder à la panique, d’arrêter toutes les centrales nucléaires dans le monde. Elles seraient remplacées par quelques éoliennes, pour la bonne conscience, et surtout par une multitude de centrales au charbon, au fioul, au gaz de schiste, par nécessité.

La décision d’arrêter les centrales nucléaires mérite plus de réflexion qu’une réaction de panique. Face au risque faible éventuel d’un accident dans une centrale nucléaire – demain, ou après-demain, ou jamais, qui n’aurait peut-être qu’une ampleur limitée s’il a lieu – il faut aussi considérer les victimes, certaines et non éventuelles, du charbon et autres combustibles fossiles, aujourd’hui et chaque jour qui passe. On découvre alors que fermer une centrale nucléaire entraîne inévitablement des morts supplémentaires, en raison du charbon additionnel qui sera extrait et brûlé.

Demain la lune

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En l’état actuel de la science, il faut s’accommoder des dangers des énergies fossiles et fissiles. Mais on peut rassurer les défenseurs de l’environnement, car les ressources minières, uranium, pétrole, charbon ne sont pas inépuisables.
Certains pays, Chine et Russie, envisage cependant d’exploiter de nouvelles mines, mais sur la surface de la lune. Le professeur Ouyang Ziyuan, responsable scientifique du programme chinois d’exploration lunaire, a déclaré que la lune «est tellement riche en hélium 3, que cela pourrait régler le problème des besoins en énergie de l’humanité pour au moins 10 000 ans».
L’hélium 3 pourrait donc devenir dans un futur plus ou moins lointain le carburant idéal des centrales nucléaires à fusion contrôlée, un des deux types de réaction thermonucléaire, permettant de produire des quantités considérables d’énergie propre, c’est-à-dire sans pollution chimique ni radioactive.
Les énergies renouvelables, qui constituent à leur manière à une pollution visuelle, ont encore de la concurrence en perspective…

 

Source : Pierre Yves Morvan

http://ecologie-illusion.fr/dangers-energie-charbon-energie-nucleaire.htm

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