En Ile-de-France, la route en dalles photovoltaïques est en bonne voie

La route solaire sera-t-elle la pierre angulaire sur laquelle architectes et urbanistes construiront la ville intelligente de demain? Car la route solaire – celle qui produit de l’énergie électrique – est sur la bonne voie.

Dans son campus scientifique et technique de Magny-les-Hameaux, face au golf de Saint-Quentin en Yvelines, le groupe Colas a mis au point Wattway, une route solaire composée de dalles carrées translucides. À l’intérieur de chaque dalle, une cellule photovoltaïque faite d’une fine couche de silicium polycristallin (0,2 millimètre), fragile comme du verre.

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Problème : comment rendre solide et résistante chaque dalle faisant 15 cm de côté? « La solution : un millefeuille de treize couches – y compris la cellule –, de résines et de polymères, suffisamment translucides pour laisser passer la lumière du soleil, et assez résistantes pour supporter la circulation des poids lourds », explique Philippe Raffin, directeur technique pour la recherche et développement (R & D) de Colas. De son côté, Yvonnick Durand, ingénieur réseaux et énergies renouvelables à l’Ademe, note que « toute la valeur ajoutée du produit réside, en effet, dans ce sandwich de polymères. Car c’est sur ce point que les précédentes expérimentations n’avaient pas donné satisfaction ».

Autre problème résolu, l’adhérence : des granulats de verre recyclés sont disposés sur la face extérieure (côté route) de chaque dalle. Côté électrique (côté collé), des boîtiers récupèrent l’énergie de chaque dalle et jouent le rôle de fusible en cas d’accident. L’électricité produite est envoyée vers un onduleur qui transforme le courant continu en courant alternatif. « D’une faible épaisseur (7 millimètres), légères (7 kg/m²), ces dalles sont collées sur une chaussée en bon état, sans travaux préalables. Toute surface convient : route, autoroute, piste cyclable, place, parking », précise Philippe Raffin. On découpe Wattway selon les besoins : des panneaux de 1,75 m pour une voie d’une chaussée standard de 3,5 m, ou 20 m² pour deux parkings.

100 m² de panneaux fournissent l’énergie pour parcourir 100.000 km par an
Les applications sont nombreuses. Aujourd’hui, 1.000 m linéaires de dalles Wattway permettent l’éclairage public d’une ville de 5.000 habitants ; 15 m² de ces dalles alimentent les feux d’un carrefour ; 100 m² de panneaux fournissent l’énergie nécessaire pour parcourir 100.000 km par an en voiture électrique. Demain, la route solaire permettra la gestion du trafic en temps réel, la conduite automatique des voitures, la recharge dynamique (en roulant) des véhicules électriques, et même la suppression du verglas. Après-demain, la route solaire pourrait être un élément de construction de la ville intelligente (smart city).

L’idée de la route solaire revient à Jean-Luc Gautier, passionné d’astronomie, qui a su trouver le lien entre ciel et terre. « La route passe 90% de son temps à regarder le ciel, et, quand le soleil brille, elle est exposée à son rayonnement. C’est une surface idéale pour développer des applications énergétiques », souligne le directeur du Centre d’expertise du campus scientifique et technique de Colas. En 2010, il fabrique lui-même un panneau solaire routier avec les moyens du bord : l’idée se révèle pertinente. Colas se rapproche de l’Institut national de l’énergie solaire (Ines). Ils créent un laboratoire commun.

« Demander à une biscotte de tenir sous un 10-tonnes »
Après cinq ans de recherche, deux brevets ont été déposés, un troisième arrive. Mais les difficultés ont été grandes. « Faire circuler des poids lourds sur des capteurs solaires, c’était un peu demander à une biscotte de résister au passage d’un 10-tonnes. Il a fallu répondre – avec succès – à des contraintes énormes pour un panneau solaire », observe Franck Barruel, chef de laboratoire à l’Ines. Un porte-char fut même utilisé lors des essais. D’après des calculs de laboratoire, la route solaire résiste à un million de passages. Soit dix ans de trafic de 250 poids lourds/jour, un trafic moyen. « S’agissant du coût, poursuit Philippe Raffin, tout dépendra de l’industrialisation du produit et de l’échelle de sa diffusion. On peut tabler raisonnablement sur un coût comparable à ce qui se fait dans le solaire de toiture. »

La R & D de la route solaire est terminée. « C’est une réelle innovation de rupture », reconnaît Yvonnick Durand. Reste à trouver des sites d’application pour valider le concept. La commercialisation de Wattway a commencé à la mi- octobre 2015 avec des projets limités de 20 m² à 100 m² pour des clients publics et privés. Selon Philippe Raffin, « il nous faut des clients pionniers comme nous avons essayé de l’être avec cette route solaire ».

 

source :  LeJDD En Ile-de-France, la route en dalles photovoltaïques est en bonne voie

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