Domotique, objets connectés : des risques à mesurer

Objets connectés, applications numériques: le nombre de matériels électriques va croissant. Certains ne sont pas sans danger. Par Richard Chery, Président du GT Surveillance du marché de la FIEEC (Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication) et Président de la FGME (Fédération des Grossistes en Matériel Electrique)

Le déploiement massif et continu des applications numériques dans tous les aspects de notre vie quotidienne, que ce soit au domicile, au travail ou dans l’espace urbain, entraine une augmentation corrélative des matériels électriques qui en sont le support incontournable. Cette évolution conduit à solliciter de plus en plus nos installations électriques et chacune de leurs composantes (différentiels, disjoncteurs, prises de courant, interrupteurs, câbles, rallonges, etc.).
Or, une évolution récente suscite l’inquiétude de l’ensemble des acteurs de la filière électrique : depuis quelques années, de plus en plus de contrefaçons et de matériels électriques non-conformes se retrouvent sur le marché français à la libre disposition des consommateurs ou des professionnels qui peuvent les acheter en toute bonne foi, persuadés que leur commercialisation ou les marquages qu’ils arborent induisent nécessairement une conformité aux normes.

Le marquage CE n’est pas une garantie

Il n’en est rien ! Le marquage CE, déclaration de conformité établie par le fabricant lui-même et ne donne aucune garantie sur la conformité réelle car certains fabricants sans scrupules s’affranchissent volontairement des règles ! Plus grave, une série de contrôles menés, il y a quelques années, par la Direction Générales de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a montré une toute autre réalité : 46% des produits électriques contrôlés présentaient un écart plus ou moins important avec la norme ou la réglementation en vigueur, et seuls 38% des produits contrôlés se sont avérés conformes. Enfin, 16% des produits ont été jugés dangereux : ils présentaient un défaut susceptible d’impacter la sécurité.

Risque d’incendie

Ces résultats doivent nous alarmer et appellent notre attention sur ce fléau particulièrement méconnu. Il s’agit avant tout d’une question de santé publique. Il est utile de rappeler que la réglementation en vigueur pour les produits électriques, et par conséquent l’utilisation des normes applicables, a pour objectif premier d’assurer la sécurité des utilisateurs. Des produits qui s’en affranchissent font donc immédiatement peser un risque majeur qui peut se traduire dans les cas les plus graves par des incendies d’origine électrique, voir des électrisations ou des électrocutions malheureusement trop souvent meurtriers. L’ONSE (Observatoire National de la Sécurité Electrique) indique que sur 200000 incendies d’habitation, un quart sont d’origine électrique (hors causes indéterminées), soit près de 140 par jour.

Contrefaçon et non-conformité aux normes

Il ne s’agit pas ici de confondre contrefaçon et non-conformité aux normes. La première est une atteinte aux droits de propriété intellectuelle liés à un produit, la deuxième un non-respect de la réglementation ou des normes. Cependant, concernant le matériel électrique, les deux sont très fréquemment concomitantes. Dans la majorité des cas, le contrefacteur copie un produit et ne respecte pas les règles de l’art, et donc les normes, en particulier celles liées à la sécurité, pour des raisons évidentes de coût. Ainsi, si l’on prend l’exemple concret d’un disjoncteur, qui a pour fonction de protéger une installation électrique en coupant le courant en cas d’incident, un produit contrefaisant imitera parfaitement l’aspect extérieur du matériel avec à l’intérieur un dispositif de sécurité allégé voire inexistant.

Le résultat est que le disjoncteur non conforme, une fois installé, laissera passer le courant, tout comme le vrai, mais ne jouera jamais son rôle protecteur en cas de dysfonctionnement de l’installation électrique, exposant de fait le bâtiment à un risque d’incendie ou l’utilisateur à un risque de choc électrique. Cet exemple est extrêmement révélateur du risque que font peser les contrefaçons et les matériels électriques non conformes sur la santé de tous.

Des retombées économiques néfastes

Au-delà des questions de sécurité, les contrefaçons et les matériels non conformes entraînent également un cortège de retombées économiques néfastes pour les entreprises industrielles du secteur. Elles soumettent les acteurs économiques respectueux des normes à une concurrence déloyale qui se caractérise notamment par une différence de coût des produits. Qui plus est, le préjudice subi par les industriels de nos professions se double d’une dégradation de leur image auprès du public liée aux disfonctionnements constatés en réalité imputables au produit contrefaisant ou non conforme. Cela fait donc peser, outre le risque sanitaire, une menace forte sur l’économie et les emplois sur notre territoire.

Une prise de conscience nationale doit s’opérer à ce sujet. Nos industries se sont fortement engagées depuis des années pour lutter contre ce fléau, grâce à une collaboration accrue avec les distributeurs de notre secteur et des initiatives sectorielles qui confirment son ampleur. Dans ce domaine, seule une action coordonnée et déterminée, rassemblant tous les acteurs de la chaîne de valeur peut aboutir à un résultat tangible.

Une charte d’engagement conjoints

Désormais, la filière électrique souhaite capitaliser sur ces expériences et étendre cet accord à ses partenaires du bâtiment, avec lesquels des travaux approfondis sont menés. Ils trouvent leur concrétisation à travers une charte d’engagements conjoints sur la lutte contre la contrefaçon et les matériels non conformes, qui sera soumise à la signature des Présidents de la FIEEC, de la Fédération du Bâtiment et de la Fédération de la Mécanique, au début du mois de novembre à l’occasion du Salon Bâtimat.
Il s’agit là d’un premier pas important, nécessaire, mais encore insuffisant. Les entreprises des filières électriques, mécaniques et du bâtiment unissent leurs forces dans ce combat.

Il reste désormais aux pouvoirs publics à amplifier leurs actions autour de cet enjeu majeur pour améliorer la surveillance du marché et s’assurer du respect effectif – et non seulement déclaratif -, par tous les acteurs, des normes techniques et réglementaires utiles à la sécurité de tous.
De fait, ces normes cesseraient d’être un investissement sans retour pour les acteurs qui les respectent pour devenir une barrière infranchissable pour tous ceux qui s’en affranchissent. Et ce pour le bénéfice de tous…

 

http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/domotique-objets-connectes-des-risques-a-mesurer-514196.html

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